Cet article mis à jour en mai 2025 vous permet de savoir si votre entreprise est concernée par le rapport de durabilité.
Introduction
En novembre 2022, le Parlement européen a adopté la directive dite « CSRD » (« Corporate Sustainability Reporting Directive » ou « Rapport de durabilité des entreprises ») pour garantir la fiabilité des informations y figurant et permettre de comparer différentes entreprises entre elles.
Évolutions majeures en 2025
La CSRD a fait l’objet de modifications significatives suite aux mesures de simplification européennes.
- La Directive « Stop the clock » du 17 avril 2025 a reporté de deux ans l’application de la CSRD pour certaines entreprises.
- En parallèle, la Proposition Omnibus de février 2025 prévoit une réduction drastique du champ d’application de la CSRD et est encore en cours d’examen. Nous la mentionnons ici pour tenir compte de potentiels changements futurs.
Entreprises NON CONCERNÉES par la CSRD
Micro-entreprises
Critères : 2 des 3 seuils suivants :
Moins de 10 salariés
Bilan < 500K€
CA net < 900K€
Statut : Exemption totale – Aucune obligation de rapport
Petites entreprises non cotées
Critères : 2 des 3 seuils suivants pendant 2 exercices consécutifs :
Entre 10 et 50 salariés
Bilan entre 450K€ et 5M€ (modulable par États membres jusqu’à 7,5M€)
CA net entre 900K€ et 10M€ (modulable par États membres jusqu’à 15M€)
Condition : Titres non admis aux négociations sur un marché réglementé.
Statut : Exemption totale.
Moyennes entreprises non cotées
Critères : 2 des 3 seuils suivants :
Moins de 250 salariés
Bilan < 25 millions €
CA net < 50 millions €
Statut : Exemption totale – Aucune obligation de rapport
⚠️ Attention : les entreprises non-soumises à la CSRD peuvent recevoir des demandes de la part de leurs cocontractants soumis à la CSRD. Une norme volontaire simplifiée (ESRS VSME) est disponible pour leur permettre de fournir les élements demandés.
Entreprises CONCERNÉES par la CSRD
Grandes entreprises déjà soumises à la NFRD (plus de 500 salariés)
Critères : Plus de 500 salariés + 2 des 3 seuils suivants :
CA > 40M€
Bilan > 20M€
Entité d’intérêt public (sociétés cotées, établissements de crédit, entreprises d’assurance)
Calendrier : 1er rapport publié en 2025 sur exercice 2024 ✓
Grandes entreprises non encore soumises à la NFRD
Critères : 2 des 3 seuils suivants pendant 2 années consécutives :
Plus de 250 salariés
Chiffre d’affaires > 50 millions €
Bilan > 25 millions €
Condition : Titres non admis aux négociations sur un marché réglementé OU sociétés cotées dépassant les seuils grandes entreprises
Calendrier : 1er rapport à publier en 2028 sur exercice 2027 (report de 2 ans confirmé)
PME cotées en bourse
Critères : Entreprises cotées répondant à 2 des 3 seuils suivants pendant 2 années consécutives :
Entre 10 et 250 salariés
Bilan entre 500K€ et 25 millions €
CA net entre 900K€ et 50 millions €
Condition : Titres admis aux négociations sur un marché réglementé
Exclusion : Micro-entreprises cotées ne dépassant pas les seuils ci-dessus.
Calendrier : 1er rapport à publier en 2029 sur exercice 2028 (report de 2 ans confirmé)
Possibilité d’exemption jusqu’en 2029 avec justification dans le rapport de gestion
⚠️ Attention : La proposition Omnibus prévoit de les exempter totalement avec possibilité d’adopter volontairement les normes VSME.
Nature des informations du rapport de durabilité
Une information standardisée
La standardisation des critères sur l’ensemble du territoire européen selon les normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards) permet à toutes les entreprises de produire une information fiable, qualitative et comparable.
Le défaut de la NFRD, comme rappelé par la Commission Européenne, était de laisser aux entreprises une trop grande marge de manœuvre concernant les informations contenues dans le Rapport Extra Financier.
La raison n’est pas une mauvaise volonté des entreprises, mais plutôt l’absence de normes communes.
La standardisation des critères sur l’ensemble du territoire européen est une avancée majeure, car toutes les entreprises joueront « à armes égales » en produisant une information supposée fiable, qualitative et comparable, exactement comme le sont les Bilans et Comptes de Résultat.
Une partie de ces normes est inspirée de la « finance verte » (critères IRS, Règlement SFDR, « Sustainable Finance Disclosure Regulation ») qui utilise déjà un certain nombre de critères pour classer et comparer les titres financiers selon leur durabilité.
Important : La proposition Omnibus prévoit l’abandon des normes sectorielles et une révision substantielle des ESRS pour réduire le nombre de points de données requis. Toutefois, cette proposition n’est pas encore adoptée.
Une information auditée par des tiers indépendants
Les informations doivent être vérifiées et certifiées par des auditeurs externes spécialisés et indépendants. Les conditions relatives à leurs compétences et indépendance pourront être adaptées par les Etats Membres.
La Commission Européenne laisse aussi le choix aux Etats Membres d’autoriser les Commissaires aux Comptes à exercer cette fonction, comme l’a fait la France. En France, les commissaires aux comptes peuvent exercer cette fonction depuis le 1er janvier 2024.
Une information proportionnée
Différentes entreprises n’auront pas les mêmes obligations. La Commission et le Parlement européen sont conscients des difficultés des PME/TPE, en plus du manque de familiarité avec des outils surdimensionnés par rapport à leur activité et moyens. Cette variabilité n’est pas encore parfaitement normée. La proposition Omnibus introduit un reporting volontaire (VSME) pour les entreprises de moins de 1000 employés, agissant comme un « bouclier » limitant les informations que les grandes entreprises peuvent demander à leurs fournisseurs plus petits.
C’est en effet un danger possible: une entreprise pourrait se voir refuser un contrat avec une entreprise soumise à la CSRD, alors qu’elle n’est elle-même pas soumise à la CSRD.
Une information numérisée
La standardisation permettra l’enregistrement éléctronique dans un système numérique unique européen. Cette plateforme permettra à l’Union Européenne de recueillir l’information dont elle a besoin pour mesurer la neutralité Carbone/GES (Gaz à Effets de Serre), et aussi de transmettre une information « officielle » aux différentes parties prenantes (représentants du personnel, actionnaires…).
Contenu du rapport de durabilité
Le rapport de durabilité porte sur 3 domaines selon le principe de double matérialité :
Les 3 domaines du rapport
Il s’agit de l’analyse des politiques, cibles, plans d’action de l’entreprise, et de la mesure entre les objectifs et leur impact directs et connexes, avec une comparaison dans le temps entre les objectifs et les résultats (années N-2, N-1, et N).
L’entreprise ne pourra pas se contenter des questions qui sont directement sous son contrôle. Au contraire, il s’agit d’évaluer la chaine de valeur et les impacts connexes des stratégies mise en œuvre par l’entreprise.
Pour ce faire, le rapport concerne les 3 domaines suivants:
- La stratégie
- Son implémentation
- La mesure de leur impact passé, actuel et futur
Les 3 thèmes ESG
Il s’agit des trois thèmes de la Responsabilité Sociétale des Entreprises vu sous l’angle de leurs impacts directs et connexes, c’est-à-dire l’impact Environnemental, l’impact Social et Sociétal, et l’impact de la Gouvernance (impacts « ESG »).
- Environnement (E) : comprend les normes rendant compte de l’impact sur les éléments de la taxonomie européenne : changement climatique, ressources eau & marines, biodiversité & écosystèmes, économie circulaire, pollutions.
- Social et Sociétal (S) : permet de rendre compte des impacts vers et depuis tous les facteurs humains tels que la main-d’œuvre, les travailleurs de la chaîne de valeur amont-aval (sous-traitants, partenaires commerciaux), les communautés affectées (populations locales) ou les consommateurs ou utilisateurs finaux des produits et services de l’entreprise.
- La Gouvernance (G) : comprend un éventail de questions permettant de rendre compte de façon pertinente des aspects de durabilité liés au rapport lui-même tel que les méthodes, l’éthique, la qualité des relations avec les parties prenantes, l’innovation, la réputation ou la gestion de la marque. La Gouvernance contient aussi les stratégies mises en œuvre par l’entreprise dans les domaines sociaux et environnementaux par rapport aux objectifs passés et les constatations actuelles.
Organisation de l’information dans le rapport de durabilité
Le rapport présente les informations ayant un impact 1) matériel et 2) financier sur les personnes et l’environnement. C’est la notion de double matérialité de la mesure de l’impact.
Puis, ces informations sont organisées sur 3 niveaux d’obligations (« 3 layers information »)
1) Double matérialité des impacts
- Impact matériel : Il s’agit pour l’entreprise d’identifier l’impact significatif de ses opérations et de sa chaine valeur, et l’urgence d’y répondre en tenant compte des objectifs de politique publique, sociale ou environnementale, et des limites planétaires.
- Impact financier dynamique : Il s’agit des éléments impactant les personnes et l’environnement et qui peuvent devenir financièrement significatifs au fil du temps (« matérialité dynamique » c’est-à-dire évolutive au fil de temps). Il s’agit donc d’une constatation (années N-2 à N) complétée par des projections réalistes (année N jusqu’à un horizon réaliste (N+2, N+5, N+10…. ), afin d’atteindre un impact nul en 2050.
2) Une information à 3 niveaux
- Information générique : Obligatoire pour toutes les sociétés quelque soit leur secteur.
- Information sectorielle : Spécifique aux secteurs à fort impact (pourrait être suspendue selon la proposition Omnibus). Il s’agit principalement de l’agriculture, l’eau, le traitement des déchets, les mines, et certains secteur technologiques énergivores (blokchain, datacenters, IA…).
- Information spécifique : Adaptée à la situation unique de l’entreprise, afin de décrire le mieux la situation unique d’une entreprise donnée.
Leviers environnementaux du rapport de durabilité
La taxonomie européenne
Classification des activités économiques ayant un impact favorable sur l’environnement selon 6 objectifs. La proposition Omnibus prévoit de rendre la conformité à la taxonomie volontaire pour les entreprises avec un CA < 450M€.
Il s’agit de classification des activités économiques ayant un impact favorable sur l’environnement.
Une activité est classée comme durable si elle correspond à au moins l’un des six objectifs suivants constituant la taxonomie européenne:
- Atténuation du changement climatique
- Adaptation au changement climatique
- Utilisation durable et protection des ressources aquatiques et marines
- Transition vers une économie circulaire
- Contrôle de la pollution
- Protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes
Doctrine du « Do no harm » : l’action d’une entreprise sur l’un de ces leviers ne lui permet pas de causer un préjudice significatif aux autres leviers de la taxonomie européenne. L’action de l’entreprise devra donc être réfléchie et conforme aux connaissances scientifiques et économiques sur l’ensemble des taxonomies.
La chaîne de valeur carbone/GES
NB: GES = Gaz à éffets de serre.
C’est la mesure des émissions carbone selon 3 périmètres (Scope 1, 2 et 3). Elle est exprimée en « équivalent carbone ».
Classification en 3 « Scope » (périmètres)
Les émissions de CO2 et autres GES (Gaz à Effet de Serre) constituent un levier d’action objectif permettant à l’entreprise de savoir quels plans d’action mettre en œuvre.
La mesure est le « CO2e » ou « équivalent CO2 ». Par exemple, des émissions de méthane ou d’azote sont mesurées en CO2e. Par exemple, c’est sur la base du CO2e/tonne que seront perçus les futurs certificats d’importation, qui sont des droit à payer sur l’importation de certaines matières premières (Règlement CBAM « Carbon Border Adjustment Mecanism », ou MACF Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières).
Les émissions sont catégorisées en 3 ensembles dits « Scope » (périmètres).
Les 3 périmètres sont ensuite divisés en 22 sous-catégories (cette liste étant évolutive).
a) Scope 1
Ce sont les émissions directes, qui ont lieu au niveau de l’entreprise elle-même, pour les besoins de son fonctionnement interne et de sa production.
Par exemple, il pourrait s’agir :
- des émissions liées à la transformation de matières en produits finis ou semi-finis dans l’usine de la société
- des projets sous le contrôle direct de l’entreprise
- des émissions liées à un chauffage électrique ou au gaz dans un bureau
- des déplacements domicile travail des collaborateurs
- des livraisons à domicile effectuées grâce à la flotte de véhicules de l’entreprise
b) Scope 2
Il s’agit des émissions indirectes liées à l’achat d’énergie utilisée par l’entreprise, comme la consommation d’électricité de gaz ou d’eau. Ces émissions sont indirectes car l’entreprise ne contrôle pas le mode de production de son fournisseur.
De plus, l’entreprise ne peut généralement pas choisir le mode de production de l’énergie livrée (par exemple: électricité nucléaire, hydraulique, solaire).
Il ne s’agit pas de l’énergie produite par l’entreprise elle-même, sinon il s’agirait d’un élément Scope 1.
Connaitre son Scope 2 suppose que le fournisseur d’énergie transmette cette information à son client, par exemple par une mention sur la facture.
c) Scope 3
Le périmètre 3 regroupe les émissions indirectes qui ne sont pas de la consommation d’énergie.
Le Scope 3 est lié à la chaîne de valeur complète, en amont et en aval de l’entreprise, comme les achats de matières premières ou de services, les déplacements des salariés, le transport des marchandises à distribuer, la gestions des déchets générés par les activités de l’entreprise, l’utilisation et la fin de vie des produits et services vendus.
Connaitre les proportions des émissions de l’entreprise dans les différents périmètres permet de savoir où en est l’entreprise et de planifier des améliorations à plus ou moins long terme, en rappelant que l’objectif est de parvenir à une économie neutre en carbone en 2050.
Interprétation:
Pour une entreprise donnée et en simplifiant :
- Majorité de Scope 1: entreprise plutôt polluante (ou entreprise productrice d’énergie)
- Majorité de Scope 2: entreprise plutôt énergivore (ou bureau de conseil, sans import/export, ni atelier/usine de production)
- Majorité de Scope 3: entreprise impactée négativement par sa chaine de valeur amont-aval (exemple : grossiste sans production ni grands besoins énergétiques, mais dont la chaîne d’approvisionnement présente un bilan significatif pour son propre bilan).
3) Les leviers sociaux
Il s’agit de la force de travail interne et externe à l’entreprise, la représentation des genres dans les postes à responsabilité, les conditions de travail chez les sous-traitants, notamment à l’étranger (travail forcé, travail des enfants), le rapport aux communautés locales (droits autochtones), les incidences financières, dépendances et discriminations touchant les consommateurs et utilisateurs (pour des exemples connus; discriminations ou biais du fait d’une personne ou d’un algorithme informatique pour la recherche d’emploi ou la mise en relation).
Ces leviers sont regroupés en différents chapitres: travailleurs de la chaine de valeur (ESRS S1 et S2), communautés touchées (ESRS S3) et les consommateurs (ESRS S4).
Consultez les liens ESRS en fin d’article pour plus de détails.
4) Sanctions relatives à l’absence de rapport de durabilité
Non-publication du rapport sans motif légitime
- 3 750 euros d’amende
- Affichage ou diffusion de la décision
- Injonction judiciaire possible
- Rejet de candidature aux offres publiques
Absence d’audit ou non-désignation d’auditeur
30 000 euros d’amende et 2 ans d’emprisonnement maximum
Entrave à l’audit
75 000 euros d’amende et 5 ans d’emprisonnement maximum
Perspectives (juin 2025)
Confirmé : Les reports de calendrier de 2 ans sont adoptés et en vigueur.
En vigueur : Les seuils actuels pour les grandes entreprises restent à 250 salariés, 25M€ de bilan, 50M€ de CA (au moins 2 critères sur 3).
En cours d’examen : Les modifications du périmètre d’application (réduction à 1000 salariés) restent des propositions. La Commission européenne s’est engagée à réviser les normes ESRS d’ici octobre 2025.
Recommandation : Même si votre entreprise pourrait être exemptée des nouvelles obligations proposées, préparez-vous car vos donneurs d’ordre soumis à la CSRD pourraient vous solliciter pour fournir des données ESG dans le cadre de l’analyse de leur chaîne de valeur. De plus, les seuils actuels restent applicables tant que les nouvelles propositions ne sont pas adoptées définitivement.
Les entreprises doivent continuer à suivre les évolutions réglementaires et se préparer aux ajustements potentiels, car le paysage de la CSRD continue d’évoluer rapidement en 2025.
En conclusion
En élargissant le champ d’application de la NFRD pour inclure un plus grand nombre d’entreprises et en introduisant des normes standardisées au niveau européen et international, la CSRD vise à améliorer la transparence et la comparabilité des informations sur la durabilité.
En rendant obligatoire la vérification des rapports de durabilité par des tiers indépendants, la directive assure une plus grande fiabilité des informations divulguées en éliminant les conflits d’intérêts, renforçant ainsi la confiance des investisseurs, des consommateurs et autres parties prenantes.
L’application progressive de la CSRD, avec des cycles d’application adaptés à la taille et à la nature des entreprises, ainsi que les reports de dates et l’augmentation des seuils depuis décembre 2023, montre une volonté de prendre en compte les défis spécifiques rencontrés par les PME et TPE dans le contexte économique difficile depuis 2020, tout en maintenant des objectifs ambitieux en matière de durabilité.
Références
Directive CSRD
Directive Déléguée 2023/2775 (nouveaux seuils)
Normalisation: https://www.efrag.org
ESRS: proposition de normes, organisation du rapport de durabilité
Transposition CSRD en droit français: Ordonnance du 6 décembre 2023
Directive 2025/794 dite « stop the clock »
Histoire de l’ESG à la CSRD (mis à jour en 2025)